Directrice de « Madame Express » de 1953 à 1969, chroniqueuse dans différents médias, elle s’est intéressée, dans ses livres, aux femmes, aux belles-mères, aux relations entre générations familiales. Elle est morte le 24 octobre, à l’âge de 92 ans.

Par Josyane Savigneau

Publié dans  LE MONDE 25/10/2023  Christiane Collange, en novembre 2010, à ParisChristiane Collange, en novembre Photo 2010, à Paris BRUNO CHAROY/PASCO

Cela n’a pas toujours été facile d’être la quatrième des cinq enfants d’Emile Servan-Schreiber, comme l’était la journaliste et essayiste Christiane Collange. Christiane Collange est morte le 24 octobre, à Saint-Valery-en-Caux (Seine-Maritime), quelques jours avant ses 93 ans, a appris Le Monde auprès de sa famille......

Que faire après avoir terminé son cursus à l’Institut d’études politiques de Paris, en 1951 ? Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud créent L’Express en 1953, et, tout naturellement, Christiane y entre. Elle a 23 ans et une joie de vivre qu’elle gardera toujours. Elle prend le pseudonyme de Collange et est tout de suite propulsée à la direction de Madame Express, où Françoise Giroud lui recommande de « ne pas faire de journalisme féminin ». Elle y restera jusqu’en 1969.

Christiane Collange sera aussi rédactrice en chef du Jardin des modes, et chroniqueuse dans divers médias, dont Europe 1dès 1970, mais aussi à Elle, et à la télévision dans l’émission « Télématin » et sur la chaîne LCI. Elle publie un premier livre en 1961, La Française d’aujourd’hui(Julliard). Une vingtaine ont suivi, dont certains l’ont rendue célèbre. Par exemple Madame et le management. Une femme organisée en vaut deux (Editions Tchou, 1969), où elle tente d’appliquer des méthodes managériales à « l’entreprise famille ». Ou Nous, les belles-mères (Fayard, 2001) où, avec beaucoup d’humour, elle explore les relations « belle-mère, belle-fille ».

« Vie-priviste et familiologue »

Plus grave, pour cette femme qui avait rejoint l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, était la « deuxième vie des femmes » (titre de son ouvrage paru chez Laffont, en 2005) : la vieillesse, souvent en femme seule. C’est pour Le Jeu des sept familles. Pour une cohabitation harmonieuse entre les générations (Laffont, 2011) que Christiane Collange, qui se définissait comme « vie-priviste et familiologue », avait donné un entretien au Monde, revenant sur son parcourset voyant dans ce livre « l’aboutissement de toute [sa] réflexion sur les relations familiales ».

« Dans ces relations se manifestent à la fois une volonté d’indépendance et des relations de dépendance de plus en plus fortes, remarquait-elle. Avec une volonté individuelle d’autonomie et des relations de dépendance qui s’accroissent entre les trois générations d’adultes. A 50-60 ans, on peut assister ses vieux parents, mais ils doivent admettre qu’on n’est pas simplement leur enfant, qu’on a aussi une vie à soi. De même, on n’est pas seulement une gentille grand-mère, on a sa vie, ses amis, ses amours. En fait, tout le monde revendique son indépendance et tout le monde a besoin de tout le monde. »

Elle recommandait de ne jamais se fâcher totalement avec ses parents, ou avec ses enfants, et estimait qu’il fallait repenser la notion de transmission. « Elle a changé. Autrefois elle ne se faisait que des adultes vers les enfants, des anciens vers les plus jeunes. Aujourd’hui, à cause des nouvelles technologies et des modes de vie, souvent les plus jeunes montrent la voie aux plus âgés. » On ne peut conclure sans évoquer le regard moqueur qu’elle portait sur elle-même et sur les autres, et son rire après son entretien au Monde « Depuis que j’ai eu une page entière, mon frère Jean-Louis me regarde différemment. »
 

Christiane Collange en cinq dates

29 octobre 1930 Naissance à Paris

1953 Entre à Madame Express

1961 Premier livre, La Française d’aujourd’hui (Julliard)

2011 Le Jeu des sept familles. Pour une cohabitation harmonieuse entre les générations (Robert Laffont)

24 octobre 2023 Mort à Saint-Valery-en-Caux (Seine-Maritime)